En route pour la nanosphère
(paru dans Libé ce week-end)
Livre. Les nanotechnologies vont jouer un rôle massif et perturbant dans tous les domaines.
Nano-objets, maxicrédits, mégafantasmes. Le livre de Yan de Kerorguen navigue entre le minuscule et l'immense. Minuscule des objets, contrôlés aux niveaux moléculaires et atomiques. Immensité des enjeux, puisque les nanotechnologies vont jouer un rôle massif dans les technologies de l'information (ordinateurs, télécoms, multimédia), l'agriculture, la santé ou l'énergie. Comme nombre de rapports, l'auteur insiste sur le financement de la recherche dans ce domaine, puisqu'il va provoquer des ruptures technologiques brouillant les rapports de forces économiques. Malheur à ceux qui ne prendront pas le train à temps. Surtout pour ceux, comme l'Europe, dont les avantages comparatifs ne sont ni l'espace ni les ressources naturelles, mais la formation et le savoir.
L'intérêt majeur de l'ouvrage réside toutefois dans la mise en opposition des deux discours symétriques qui accompagnent cette mutation technologique. Le premier, né aux Etats-Unis dans les années 80, promet la résolution de tous les problèmes du monde à coups de nanorobots (chirurgiens, soldats ou manufacturiers). Repris par les auteurs de S-F (le Monde de diamant, Neal Stephenson), il a servi de justificatif aux premières demandes de financements massifs. Et fut retourné en son contraire dans un deuxième discours... lui aussi popularisé par les romanciers (The Prey, de Michael Crichton) aux visions apocalyptiques. Le philosophe Jean-Pierre Dupuy voit dans les nanotechnologies «la fin de la rareté, la fin du travail, la fin du commerce donc la fin du libéralisme et du capitalisme et, peut-être, celle de la démocratie». Discours repris par les manifestants protestant contre l'inauguration du centre Minatec, le pôle de recherche en nanotechnologies à Grenoble, le 1er juin.
Rapprocher des discours aussi extrêmes de l'objectif central de Minatec élaborer la microélectronique de 2020 peut faire sourire. Le même miroir aux alouettes la vision fantasmagorique d'une «convergence de la micro-électronique, des biotechnologies et des sciences cognitives» débouchant sur des nano-objets omniscients et omnipotents sert de socle aux discours «pro» et «anti». Nul programme de précaution comme ceux mis en oeuvre pour étudier la toxicité de nanomatériaux ne peut rassurer un Jean-Pierre Dupuy persuadé que «l'ingénieur de demain ne sera pas un apprenti sorcier par négligence ou incompétence, mais par finalité», souligne Kerorguen.
Ce livre permet de se poser d'autres questions, plus pertinentes. Puissantes, les nanotechs pourront simultanément servir efficacement des objectifs de domination et de profits financiers ou contribuer à résoudre des problèmes cruciaux. Décréter que, par construction philosophique, le bilan penchera plus d'un côté que de l'autre relève d'un déterminisme auprès duquel la vulgate stalinienne devient une analyse historique nuancée. A l'inverse, ne peut manquer de conclure le lecteur, l'orientation des recherches vers des objectifs sociaux ou environnementaux et le contrôle des risques sanitaires, environnementaux ou sociétaux de la protection de la vie privée à l'emploi ne se feront pas spontanément.
L'intérêt majeur de l'ouvrage réside toutefois dans la mise en opposition des deux discours symétriques qui accompagnent cette mutation technologique. Le premier, né aux Etats-Unis dans les années 80, promet la résolution de tous les problèmes du monde à coups de nanorobots (chirurgiens, soldats ou manufacturiers). Repris par les auteurs de S-F (le Monde de diamant, Neal Stephenson), il a servi de justificatif aux premières demandes de financements massifs. Et fut retourné en son contraire dans un deuxième discours... lui aussi popularisé par les romanciers (The Prey, de Michael Crichton) aux visions apocalyptiques. Le philosophe Jean-Pierre Dupuy voit dans les nanotechnologies «la fin de la rareté, la fin du travail, la fin du commerce donc la fin du libéralisme et du capitalisme et, peut-être, celle de la démocratie». Discours repris par les manifestants protestant contre l'inauguration du centre Minatec, le pôle de recherche en nanotechnologies à Grenoble, le 1er juin.
Rapprocher des discours aussi extrêmes de l'objectif central de Minatec élaborer la microélectronique de 2020 peut faire sourire. Le même miroir aux alouettes la vision fantasmagorique d'une «convergence de la micro-électronique, des biotechnologies et des sciences cognitives» débouchant sur des nano-objets omniscients et omnipotents sert de socle aux discours «pro» et «anti». Nul programme de précaution comme ceux mis en oeuvre pour étudier la toxicité de nanomatériaux ne peut rassurer un Jean-Pierre Dupuy persuadé que «l'ingénieur de demain ne sera pas un apprenti sorcier par négligence ou incompétence, mais par finalité», souligne Kerorguen.
Ce livre permet de se poser d'autres questions, plus pertinentes. Puissantes, les nanotechs pourront simultanément servir efficacement des objectifs de domination et de profits financiers ou contribuer à résoudre des problèmes cruciaux. Décréter que, par construction philosophique, le bilan penchera plus d'un côté que de l'autre relève d'un déterminisme auprès duquel la vulgate stalinienne devient une analyse historique nuancée. A l'inverse, ne peut manquer de conclure le lecteur, l'orientation des recherches vers des objectifs sociaux ou environnementaux et le contrôle des risques sanitaires, environnementaux ou sociétaux de la protection de la vie privée à l'emploi ne se feront pas spontanément.
Les nanotechnologies, espoirs, menace ou mirage ?
de Yan de Kerorguen
Éditions Lignes de repères, 158 pp., 15 €.
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